Pour un changement de système maintenant ! Pourquoi nous avons besoin de construire des alternatives et de démanteler un processus qui va nous condamner à une nouvelle décennie de réchauffement de la planète.

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A quelques mois de la 21ème conférence des Parties de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC COP21), qui se tiendra à Paris en décembre 2015, nous voyons avec effroi que c’est un accord très insuffisant qui prend forme. Les conséquences du processus problématique de la CCNUCC, qui doit mener à l’accord de Paris, sont incroyablement graves. Si le monde se retrouve piégé dans une nouvelle décennie accélérant le réchauffement de la planète, les conséquences seront désastreuses, avec une réduction de la biodiversité, des extinctions massives, la perte d’habitats, les petits états insulaires submergés et la fonte des régions polaires. Le résultat négatif auquel on peut s’attendre à Paris frappera notamment et de manière disproportionnée les communautés locales, les peuples indigènes et les personnes marginalisés.

Une étude récente montre que les promesses actuelles de réduction des émissions de la part des Etats-Unis, de l’Union Européenne et de la Chine –qui ensemble représentent 45% des émissions globales- sont totalement inadéquates : si elles étaient mises en œuvre, elles doubleraient l’objectif d’émissions pour 2030 qui ne doit pas dépasser 35 gigatonnes d’émissions de CO2 (1). Au lieu de mener à bien des réductions réelles et de mettre en place de vraies solutions, la proposition d’étendre le marché du carbone et de développer des solutions technologiques comme la capture et le stockage du carbone (CSC) aggraveront la situation et ouvriront une voie dangereuse conduisant à la manipulation du climat au moyen du géo-ingeneering.

Les contributions prévues sont gravement insuffisantes

Après 20 conférences des Parties, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter et vont selon toute probabilité continuer de s’accroître encore plus. En 1990, le niveau des émissions globales se situait à 38 GtCO2. Vingt ans plus tard elles ont atteint un niveau dangereux de 50 GT. Pour éviter l’augmentation catastrophique de 2°C de la température globale, les émissions mondiales de gaz à effet de serre auraient dû atteindre leur maximum l’an dernier et ensuite commencer à baisser. Pourtant, ce maximum ne sera pas atteint durant cette décennie, et probablement pas non plus durant la prochaine.

Le rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) relatif à l’écart entre les besoins et les perspectives en terme de réduction des émissions,ainsi que d’autres études, montrent que pour atteindre une trajectoire qui limiterait l’augmentation de la température globale à 2°C, les émissions de gaz à effet de serre au niveau global devraient être réduites à 44 gigatonnes (Gt) de CO2 d’ici 2020, à 40Gt d’ici 2025, et à 35Gt d’ici 2030. C’est le plafond nécessaire pour éviter un avenir planétaire si terrible qu’on peut difficilement se le représenter. Le projet de texte de la CCNUCC ne se réfère pas à ces données et ne mentionne que des propositions de réductions de pourcentages pour la prochaine moitié de siècle, des propositions amplement insuffisantes par rapport à l’action qui doit être entreprise.

En mars dernier, l’Union Européenne a annoncé avec fierté ses “contributions prévues et déterminées au niveau national” (CPDN). A première vue, l’UE vise une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 (en comparaison avec les niveaux de 1990), mais ce sont des voeux en trompe l’œil. Les manques les plus significatifs dans cet engagement sont dus à ce qu’il continue de considérer la bio-énergie comme de l’énergie “renouvelable”, à émissions neutres. De plus, en raison d’importantes erreurs de comptabilisation du carbone dans le soi-disant secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation et de la foresterie (UTCATF), les émissions causées par la dégradation forestière, provoquées par cette demande en bioénergie, ne sont pas prise en compte.

Selon les propositions de l’actuelle CCNUCC, chaque état fera ce que bon lui semble au moyen de leur CPDN, et la CCNUCC se contentera d’en prendre note. Pour bien comprendre ceci, il faut imaginer un scénario dans lequel un gigantesque incendie s’approche, et chacun doit s’engager pour l’arrêter, certains plus que d’autres en raison de leur responsabilité historique. La CCNUCC devrait demander une contribution à tous les états participants, mais en fait les pays sont autorisés à n’apporter que ce qu’ils estiment nécessaire, que ce soit un verre d’eau ou un plein seau. La CCNUCC se contentera de prendre note de ces contributions, sans se préoccuper de l’éventuelle destruction totale causée par l’incendie.

Aucun gouvernement n’a remis en cause cette démarche suicidaire en exigeant dans le texte de négociation un objectif global de réduction des émissions à 40 Gt de CO2 d’ici à 2025, ceci pour éviter une augmentation des températures de 4 à 8 ºC. De fait, certains gouvernements promettent des réductions encore moins contraignantes, tel le Canada qui annonce des réductions d’émissions de seulement 14% entre 1990 et 2030.

La main-mise de l’industrie des énergies fossiles et des entreprises sur la COP

On sait que pour parvenir à limiter l’augmentation de la température en- dessous de 2ºC, il faudra laisser sous terre 80% des réserves en combustibles fossiles actuellement connues. Cela a été affirmé dans beaucoup d’études, de rapports et d’interventions, mais aucun pays n’a soumis cette proposition au texte actuel des négociations. Le terme “combustibles fossiles” n’apparaît que deux fois dans tout le texte, et uniquement en référence à la réduction des subventions aux combustibles fossiles. Il est impossible de réduire réellement et drastiquement les émissions en faisant l’économie d’une véritable confrontation avec l’industrie des combustibles fossiles.

A l’inverse, les représentants français sont partisans d’accepter que la COP21 reçoive le soutien financier de grandes entreprises de combustibles fossiles et d’émetteurs de carbone. Des gros producteurs d’énergie sale comme EDF, Engie (précédemment GDF Suez), Air France, Renault-Nissan et BNP Paribas vont fournir 20% des 170 millions d’euros que coûte la COP21 de Paris. (2) La responsabilité publique est minée lorsque des négociations multilatérales destinées à faire cesser la pollution sont subventionnées par les plus gros pollueurs.

Davantage de marchés, de vides juridiques et des technologies destructrices

Malgré l’échec évident des marchés de carbone, les propositions sur la table de négociation concernent la manière d’améliorer les mécanismes des marchés actuels et de permettre la création de nouveaux marchés, ainsi que le développement de technologies à haut risque.

Les fausses solutions sont légion, telle l’établissement d’un prix du carbone sur les marchés, l’agriculture « intelligente », les projets REDD+, les projets BECCS (Bio-énergie et capture et stockage du carbone), la capture et le stockage du carbone, le géo-engineering, la fracturation hydraulique et d’autres propositions technologiques qui prétendent avec arrogance tricher avec notre Terre-Mère.

Dans le texte en cours de négociation, les mécanisme de marché du carbone sont mentionnés 27 fois, et REDD+, 13 fois. Le texte mentionne un “mécanisme amélioré de développement propre”, du système de trading des émissions, “REDD Plus,” “des mécanismes de marché dans le secteur de l’utilisation des sols”, des plans d’émissions sub-nationaux et régionaux”, et du prix du carbone. En lisant le texte, on comprend que la COP21 va ouvrir la porte à de nouveaux mécanismes de marché du carbone qui seront développés et agréés lors d’une future COP. De plus, ce sont les plus grandes compagnies pétrolières, les pires coupables du changement climatique, qui disent maintenant à la CCNUCC qu’ils vont sauver la planète grâce à la capture du carbone et à des technologies de stockage et la bioénergie (CCS et BECCS, toutes deux sont des proposition relevant de la géo-ingénierie),et alors qu’ils continuent d‘exploiter les sources de pétrole les moins conventionnelles. (3)

Changer le système est notre espoir pour récupérer notre avenir

Nous savons quel sera le résultat de Paris, et qu’il ne conduira pas au changement de système que nous voulons, avec davantage de pouvoir aux grandes entreprises, davantage de marchés du carbone, et davantage de réponses technologiques dangereuses, qui conduiront à une financiarisation de la nature. Nous savons qu’à Paris il ne sera pas question de laisser les combustibles fossiles sous terre, alors qu’émergent des concepts ambigus comme les “zéro émissions nettes »ouvrant la porte à la géo-ingenierie.

Nous sommes donc préparés à marcher sur Paris comme nous l’avons fait à New York ; cependant nous espérons que la situations ressemblera davantage à celle de Seattle, afin que la CCNUCC et les gouvernements comprennent enfin qu’il existe un mouvement populaire qui n’acceptera pas le “business as usual”. Ce mouvement doit contribuer à sortir le processus de négociations autour du climat de la capture opérée par les multinationales ; il doit empêcher un accord catastrophique qui mettrait le feu à la planète et contribuer à construire un système politique, écologique et économique qui soit bon pour les peuples et pour la Terre.

Un changement de système pour les peuples et pour la Terre-Mère, cela signifie:

1- Laisser les ressources en énergie fossile sous la terre et au fond des océans et fixer des objectifs clairs et obligatoires pour réduire les émissions durant cette décennie et la suivante. C’est un appel pour mettre fin à des fausses solutions comme le marché du carbone, l’agriculture compatible avec le climat, les REDD +, BECCS (Bioenergy et CCS), la capture et le stockage du carbone, la bioénergie, le nucléaire, la biologie synthétique, le géo-engineering, la fracturation hydraulique et d’autres fausses solutions qui traitent la Terre comme une chose pouvant être exploitée ;

2-Cesser les grands projets d’infrastructure industrielle comme les

aéroports, les trains à grande vitesse, les industries d’extraction, les grandes fermes industrielles, les barrages, qui sont tous des projets destinés à accélérer la croissance et qui entraînent une augmentation des émissions globales;

3-Démanteler les accords de libre-échange comme le TAFTA, TPP (Trans-Pacific Partnership Agreement ou Accord de partenariat transpacifique), ainsi que l’ISDS (Investor State Dispute Settlement) ou mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États ; démanteler OMC;

4-Mettre fin aux mesures d’austérité et annuler les dettes imposées au bénéfice des banques. Le changement de système implique une transformation radicale des systèmes bancaires et financiers ;

5- Retrouver une démocratie réelle à l’usage des peuples et non des entreprises;

6- Mettre fin à toutes les guerres et interventions militaires.

Pour toutes ces raisons, nous avons besoin d’un changement de système radical. Ni la planète ni les peuples et les sociétés ne peuvent supporter le capitalisme, qui est intrinsèquement fondé sur l’anthropocentrisme, le productivisme, le patriarcat et le néocolonialisme. C’est pourquoi nous devons nous confronter au modèle capitaliste d’accumulation et récupérer la démocratie. Non seulement passer à un système basé sur une énergie réellement publique et renouvelable, mais aussi à une société socialement juste et à basse consommation d’énergie, dans laquelle nous cesserons de surconsommer, de surproduire et de gaspiller.

Le changement de système ne viendra pas des Etats qui pactisent avec les entreprises transnationales, mais des mouvements qui se battent sur le terrain et en première ligne et résistent au développement des combustibles fossiles. On a besoin de chacun d’entre nous, des petits fermiers et paysans qui rafraîchissent la planète avec l’agroécologie et la souveraineté alimentaire ; des peuples indigènes qui préservent notre Terre-Mère et mettent en place la conservation communautaire, les savoirs traditionnels et la protection des forêts ; des citoyens qui s’opposent aux usines de charbon dans leurs communautés, et d’autres grands projets, y compris celui du libre-échange; des étudiants qui promeuvent le désinvestissement des combustibles fossiles et de bien d’autres mouvements de base.

Le changement de système nest pas quelque chose qui va arriver dans le future. Le changement de système est ce que nous construisons ici et maintenant.

Notre stratégie n’est pas d’attendre pour voir ce qui se passera à Paris. Nous affirmons maintenant, et avant Paris que nous ne faisons pas confiance à la CCNUCC et aux entreprises qui ont pris en otage le processus. Le mouvement pour le changement de système est en train de grandir, et de nombreux secteurs de la société se mobilisent et convergent autour d’une action commune en prévision de Paris, pendant les négociations de la CCNUCC et après.

Nous avons tous longtemps espéré qu’un autre monde soit possible. Aujourd’hui, nous transformons cet espoir en courage, force et action, afin de pouvoir ensemble changer le système. S’il doit y avoir un avenir pour l’Humanité, nous devons nous battre pour lui sans plus attendre.

Les organisations à linitiative de cette déclaration

Pour appuyer cette déclaration: : espaceclimat@gmail.com

  • Alternatives International
  • ATTAC France
  • BiofuelWatch
  • Critical Information Collective
  • Ecologistas en Accion
  • ETC Group
  • Fairwatch, Italy
  • Focus on the Global South
  • Fundación Solón
  • Grassroots Global Justice Alliance
  • Global Forest Coalition
  • Health of Mother Earth Foundation, (HOMEF) Nigeria
  • Indigenous Environmental Network
  • La Via Campesina
  • No-REDD Africa Network
  • Migrants Rights International
  • Oilwatch International
  • Polaris Institute
  • Transnational Institute

REFERENCES:

[1] http://www.lse.ac.uk/GranthamInstitute/wp-content/uploads/2015/05/Boyd_et_al_policy_paper_May_2015.pdf

[2] http://www.theguardian.com/environment/2015/may/29/paris-climate-summit-sponsors-include-fossil-fuel-firms-and-big-carbon-emitters

[3] http://newsroom.unfccc.int/unfccc-newsroom/major-oil-companies-letter-to-un, June 1st 2015 Six Oil Majors Say: We Will Act Faster with Stronger Carbon Pricing

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3 comments

  1. Pingback: Fight for System Change Now! Why we need to build alternatives and dismantle a process that will lock us into another decade of burning the planet | Climate Space

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  3. Pingback: Global Forest Coalition Fight for System Change Now! Why we need to build alternatives and dismantle a process that will lock us into another decade of burning the planet - Global Forest Coalition

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